Zanzibar

Zanzibar

Illustrations et mise en page d’un texte de Anne Oberlin, Expovision.

Il était une fois un jeune éléphant de cirque nommé Zanzibar.

Il a grandi parmi ses frères et soeurs, puis, comme eux il a appris son métier d’éléphant de cirque. Comme tous les membres de sa famille, il sait s’asseoir sur de grands tabourets, il sait lever les pattes l’une après l’autre et surtout il sait tourner en rond autour de la piste. Avec sa trompe, il attrape la queue de sa soeur qui marche devant lui et il abandonne la sienne à son frère derrière lui.

Et cela tous les jours, et cela pour toujours.

Zanzibar aime sa vie. Il grandit parmi les siens, il imite ceux qu’il aime. Il obéit aussi à cet homme, son dresseur qui le nourrit et prend soin de lui. Et cela tous les jours, et cela pour toujours.

Zanzibar suit avec plaisir les autres éléphants. Il aime marcher sous le grand chapiteau. Tout éveille sa curiosité, une nouvelle odeur, un son inconnu, un éclairage inattendu. Il sent que son univers est plus vaste que le cercle de sa famille, qu’il s’élargit au-delà, qu’il atteint même le monde des spectateurs.

Et cela tous les jours, et cela pour toujours.

Or un soir, pendant le spectacle, lorsqu’il tourne derrière sa soeur, il entend un son inhabituel.

Un enfant pleure.

Zanzibar s’attend aux rires, aux cris, aux applaudissements des enfants. Mais ce soir l’atmosphère est plus grave. Un enfant pleure. Alors il s’arrête. Brusquement. De façon totalement imprévisible, sans un regard vers son dresseur, sans un remord pour son numéro gâché.

Un enfant pleure. Zanzibar ouvre ses oreilles, il écoute l’enfant triste. Il tourne la tête et lorsqu’il voit l’enfant en pleurs, il élève sa trompe et, sans attendre, il prend le chapeau d’un monsieur assis au premier rang. Et le chapeau à la trompe, il avance une patte et la pose sur le bord de la piste pour se rapprocher de l’enfant. Il lui fait alors un clin d’oeil et lui pose le chapeau sur la tête. L’enfant cesse immédiatement de pleurer. Etonné, il regarde l’éléphant, touche le chapeau qu’il vient de recevoir et éclate de rire.

La foule enchantée a suivi l’échange sans un bruit. Le dresseur s’est dressé en préparant son fouet, mais le geste s’est arrêté. Plus rien ne bouge, sauf l’éléphant qui recule, salue l’enfant en inclinant la tête et reprend sa place derrière sa soeur. Le dresseur respire, le directeur du cirque s’éponge le front, les éléphants reprennent leur marche. Tout rentre dans l’ordre. La foule applaudit, persuadée que tout avait été prévu.

Depuis ce soir-là, il manque un éléphant dans la ronde. Zanzibar ne suit plus sa soeur, il est assis au centre du chapiteau. Il observe les spectateurs avec attention, on pourrait presque dire avec amour. Le dresseur le laisse faire. Il sait que Zanzibar trouvera, dans la foule, l’enfant ou l’adulte qui aujourd’hui, a besoin d’un clin d’oeil, d’un chapeau et d’un éclat de rire…